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Des microorganismes pour lutter contre la pollution des piles usagées

Le professeur Bernard Marcos a amené ses étudiants à chercher des moyens biotechnologiques pour récupérer les métaux lourds contenus dans les piles alcalines

Le professeur Bernard Marcos manipule un bioréacteur en compagnie de l'étudiant Philippe Morin et de la technicienne Isabelle Arsenault.
Le professeur Bernard Marcos manipule un bioréacteur en compagnie de l'étudiant Philippe Morin et de la technicienne Isabelle Arsenault.
Photo : Michel Caron

30 avril 2009

Robin Renaud

Des millions voire des milliards de piles domestiques prennent le chemin de l'enfouissement chaque année. Depuis quelque temps, on incite les consommateurs à ramener les piles mortes dans des endroits spécifiques afin qu'elles soient neutralisées avant l'enfouissement. Et s'il existait un moyen de récupérer les métaux lourds qui dorment dans ces vieilles piles et qui contaminent l'environnement? C'est la question qu'a soumise le professeur Bernard Marcos à ses étudiants, dans le cadre d'un cours qu'il donne au Département de génie chimique et biotechnologique.

Cette démarche fera d'ailleurs l'objet d'une présentation et d'une table ronde au 77e congrès de l'Acfas, le 13 mai à Ottawa. Durant deux sessions, les étudiantes et étudiants ont cherché et testé des moyens pour mettre à contribution des microorganismes en mesure d'agir pour extraire les métaux polluants des piles.

Pour aider les étudiants, la technicienne en laboratoire Isabelle Arsenault a été d'un précieux support. Elle explique qu'une des techniques mises à l'épreuve consiste à recourir à deux types de microorganismes : le Thiobacillus thiooxydans, et le Thiobaccillus ferrooxydans. Placés dans un bioréacteur, ces microorganismes génèrent des acides, lesquels font en sorte de dégrader la batterie pour en séparer les métaux. Par la suite, ces métaux sont extraits et concentrés par un procédé d'électrolyse, alors qu'ils se déposent sur les deux électrodes employées à cette tâche.

Démarche surtout pédagogique

Pour le professeur Marcos, la démarche proposée à ses étudiantes et étudiants en était d'abord une de formation, dont les objectifs étaient nombreux. «Il y avait d'une part des objectifs de type technique, et d'autre part des objectifs visant des compétences plus larges, dit-il. Au niveau technique, on retrouvait des éléments comme la recherche et l'analyse d'informations scientifiques et la nécessité de réaliser des protocoles expérimentaux. En ce qui a trait aux autres compétences, on trouvait les notions de gestion de projet, de travail d'équipe et de communication interpersonnelle. Des éléments sur les conséquences environnementales de notre travail étaient aussi partie intégrante de la démarche», explique-t-il.

Défis et résultats

Le projet a fourni une occasion intéressante de mettre à l'épreuve de nouvelles avenues biotechnologiques pour enrayer le problème de la pollution des piles domestiques.

Tout au long des démarches expérimentales, les étudiantes et étudiants ont été confrontés à des défis et à des difficultés similaires à ce qu'ils seront appelés à vivre dans un contexte professionnel. «On a eu des résultats intéressants sur le plan scientifique, bien que l'objectif premier était surtout une démarche de formation, dit le professeur. Par exemple, au niveau technique, nous avons réalisé que la culture des microorganismes employés était relativement difficile à réaliser. Plusieurs recherches ont été nécessaires pour surmonter ce problème. Il s'agit de difficultés réelles comme celles qu'on rencontre dans l'industrie à l'étape d'expérimentation.»

De plus, ajoute Bernard Marcos, les étudiants ont pu profiter d'une expérience profitable de travail d'équipe – un élément qui n'est pas nécessairement enseigné en classe. «Ce sont pourtant des notions fondamentales en entreprise», dit-il.

Rentabilité

Au final, si des modèles théoriques ont pu être démontrés dans la pratique, en revanche, l'opération ne s'avère pas commercialement rentable. Néanmoins, les étudiantes et étudiants de Bernard Marcos ont opéré un processus à la manière de professionnels. «Une firme de génie-conseil aurait opéré de la même façon : elle aurait effectué des recherches, des essais en laboratoire et des calculs économiques, explique-t-il. Elle aurait sans doute conclu que le potentiel purement marchand n'est pas très rentable actuellement, compte tenu du coût des métaux qu'il est possible de récupérer. Il n'y aurait donc pas eu d'intérêt à développer ce procédé.»

Le professeur Marcos signale cependant que ces calculs de rentabilité ne tiennent pas compte des coûts indirects liés à l'enfouissement des piles et à leur impact environnemental à long terme. Ainsi, des agents biotechnologiques pourraient un jour présenter un intérêt pour traiter les piles usagées, puisque certains microorganismes sont déjà employés pour décontaminer des résidus miniers qui contiennent des traces de métaux. Ces microorganismes agissent pour «lixivier et digérer» ces résidus, afin de diminuer la concentration des contaminants.

Pour l'heure, les piles usagées qui ne s'en vont pas vers l'enfouissement sont traitées d'une manière passive. Elles sont parfois enfouies dans une enceinte de béton, afin que les contaminants y demeurent captifs, ce jusqu'à ce que le béton se dégrade.

Ce texte a été écrit d'après la baladodiffusion de Marty-Kanatakhatsus Meunier, à écouter en ligne.